Une maîtrise peu commune du langage parlé“, voici ce qui caractérise ce guerrier de la parole que l’on ne présente plus au pays des Hommes intègres. Maître de cérémonie, animateur, traducteur, homme d’affaires et bientôt patron de presse, Ambroise Tapsoba est tout cela à la fois. Il a le don du verbe, mais pas seulement ; profondément attaché au « burkindi » (intégrité en langue mooré) comme il le dit lui-même, c’est l’élan de solidarité qui le pousse vers ses congénères et qui lui donne cette perpétuelle bonhomie que l’on lit sur son visage.De nos jours, c’est incontestablement le meilleur traducteur en langue mooré. Ses traductions, appuyées par des proverbes bien à propos et faites avec une certaine emphase sont souvent plus applaudies que les discours eux-mêmes. Présent dans toutes les grandes rencontres que connaît le Burkina, FESPACO, SIAO, SNC et autres, Ambroise Tapsoba contribue par sa prestance à rehausser des cérémonies qui autrement auraient été bien ternes. Il est capable de résumer un discours de 20mn en 5mn sans pour autant déformer les propos traduits. « Il ne s’agit pas de traduire littéralement un discours mais d’en donner la substance » nous confie-t-il. Et d’ajouter : « Il faut bien s’informer sur le sujet avant la cérémonie et bien écouter les différentes interventions avant de monter à la tribune ; et là il ne faut pas trembler mais plutôt avoir le courage d’interpeller même les autorités, comme si l’on parlait à ses propres frères ».
Ainsi, ce sont de nombreuses astuces qui ont permis à ce maître de la parole de devenir aujourd’hui incontournable dans le milieu très compétitif de la communication. Toujours par monts et par vaux, il est sollicité tant dans les villes que dans les campagnes et même de plus en plus à l’étranger. Mais si sa prestance d’aujourd’hui a comme un goût d’évidence, il a pourtant fallu du chemin et de la ténacité pour l’enfant du petit village de Donssin dans la commune de Loumbila.
Quand Sankara Inoussa inspire Ambroise Tapsoba
« Mes études ont été très brèves », avoue Ambroise Tapsoba. Après l’école primaire de Donssin, il entre au petit séminaire de Pabré mais n’y restera que deux ans. Mais en ce moment déjà il répondait présent à tout ce qui était animation, de kermesse ou de bal. « Je n’avais qu’une seule envie, devenir animateur radio » avoue-t-il. « A l’époque, les animateurs radios étaient de véritables stars et tout le monde cherchait à les voir » souligne-t-il.C’est donc naturellement que lors d’une kermesse organisée dans son village, les populations sont sorties nombreuses quand elles ont entendu que l’animateur vedette de l’époque, Sankara Inoussa serait de la partie. Mais à la surprise générale, c’est un autre animateur, du nom de Pivot, qui vint en lieu et place de Sankara Inoussa.
Les organisateurs encadrèrent la photo de ce dernier et la déposèrent au milieu de l’assistance pour que les gens puissent voir ce à quoi ressemble leur idole, afin de les contenter quelque peu. C’est le déclic pour le jeune Ambroise. Un homme qui par la maîtrise de la langue, en l’occurrence le mooré, est capable de déchaîner autant les foules et dont on est obligé de montrer la photo pour les calmer ! La décision d’Ambroise Tapsoba est prise : « Je deviendrai comme lui ».
Des débuts en dents de scie
Alors qu’il était monté à Ouagadougou où il travaillait dans le bâtiment avec un tâcheron, Ambroise Tapsoba entendit parler d’un test de recrutement que lançait la radio nationale. C’était en 1981. Seul problème à cette bonne nouvelle, le niveau requis pour postuler était le BEPC. Mais qu’à cela ne tienne ; Ambroise déposera son dossier de candidature avec une attestation de niveau à défaut du diplôme. « Il y avait plus de 200 candidats et certains venaient en voiture et d’autres à moto, alors qu’avec un ami nous étions pratiquement les seuls à venir à vélo », nous explique t-il. « Mon ami voulut qu’on s’en retourne mais je dis non », ajoute le déterminé. Il prit donc part à ce test mais fut classé cinquième alors que la Radio ne voulait que deux personnes. Ambroise Tapsoba était donc sur la liste d’attente.
Cinquième sur plus de 200, rien en somme qui fasse pâlir ou décourager notre bonhomme. Bien au contraire, il se dit que c’était un bon début. Seule ombre au tableau, les sarcasmes de certaines personnes de son entourage qui lui sortaient des propos du genre : « Tu crois que tout le monde peut devenir animateur ? ». Mais très vite beaucoup comprendront qu’Ambroise Tapsoba n’est pas « tout le monde ». La radio fît appel aux cinq candidats qui étaient sur la liste d’attente, dont Ambroise, pour un autre test de recrutement. Cette fois ci, les auditeurs ont été invités à voter pour leur animateur préféré. La compétition a consisté en une animation de quelques minutes en direct. En outre la K7 de la compétition a été transmise au secrétaire d’Etat à l’information de l’époque qui n’était nul autre que Thomas Sankara. Ce dernier tombera sous le charme d’Ambroise et cela, joint au plébiscite des auditeurs, permettra au troubadour de faire son entrée à la Radio Nationale du Burkina. Des allers et venus au gré des changements politiques.
L’amitié que portait Thomas Sankara à Ambroise Tapsoba n’a pas toujours été bénéfique à ce dernier. En effet, quand Thomas Sankara a claqué la porte du ministère de l’Information, Ambroise a tout simplement été remercié par la Radio. Il a été rappelé quand Thomas Sankara est revenu au gouvernement. A l’arrestation du capitaine Thomas Sankara, il a encore été remercié. Monsieur Tapsoba sera de la marche pour la libération de celui qui sera plus tard le président de la République. C’est à ce moment que le président lui fera appel, pour la mise en place d’une Direction de la publicité en 1984. Une institution qui deviendra par la suite Zama publicité. Au sein de cette structure Ambroise Tapsoba s’occupera de l’évènementiel ; il réalisera par ailleurs de nombreuses publicités dont il retient de bons souvenirs. « Nous avions vraiment l’amour pour le travail ; ce n’est pas du tout l’argent qui nous guidait », nous confie-t-il, un brin de nostalgie dans sa voix.
Après la privatisation de Zama publicité, Ambroise Tapsoba décida de se lancer dans l’entreprenariat privé avec quelques amis. C’est ainsi qu’ils créèrent “Medias plus International“, en 1988.Cette initiative ne fera pas long feu, du fait de disputes de leadership que regrette l’orateur de talent. En 1971 Ambroise Tapsoba fait partie de l’équipe chargée de la mise en place de la radio Canal Arc en Ciel. A la tête de cette équipe se trouvait le non moins grand orateur Gnama Paco. « C’est quelqu’un qui m’a aidé énormément à travers ses conseils », dit de lui Ambroise Tapsoba.
Le soleil d’Ambroise, entre réalisations et projets
P.D.G de l’Agence conseil en communication “Optima organisation“, Ambroise Tapsoba est devenu un véritable homme d’affaire. Il nourrit de nombreux projets qu’il développe avec sa dizaine d’employés. Déjà, il inaugurera sa propre radio courant février dans la ville de Koudougou. “Tilégré FM“, c’est le nom que portera cette station. Deux projets de magazines sont également à l’étude : un mensuel gratuit sur papier et un magazine télévisuel également mensuel sur la valorisation de l’auto-emploi des jeunes. Son étoile brille aujourd’hui de mille feux.
Sollicité pour des spots, pour des animations ou pour des traductions, il n’en finit pas de bouger et passe le clair de son temps pendu à son téléphone. Son obédience politique est connue de tous. Militant de premier ordre au Congrès pour la Démocratie et le Progrès, il n’entend toutefois pas faire d’amalgame entre son engagement politique et son métier. Et c’est bien connu, on le voit autant dans les manifestations de son parti que dans celles des autres. Pour lui, la politique se doit d’être saine car il s’agit d’un débat d’idées pour un meilleur devenir du Burkina Faso.
Cet esprit rassembleur qui le caractérise, découle sans doute du fait qu’il est issu d’une grande famille. Deuxième d’une famille de huit enfants, Ambroise Tapsoba a lui-même à son tour six enfants. Sa première fille termine son cycle supérieur de finance, tandis que son deuxième emprunte quelque peu les pas de son père. Il est pensionnaire de l’ISTIC, où il apprend la technique radiophonique. « Aucun de mes enfants ne veut tenir le micro comme moi », laisse t-il tomber sans que l’on ne sache réellement s’il le regrette ou s’il s’en réjouit.
Alors qu’il fêtera son 50ème anniversaire le 07 mars prochain, Ambroise Tapsoba rêve de mettre son corps d’athlète au service de l’agriculture. Ses 1m83 de taille et ses 90 kg lui donnent l’apparence d’un vrai lutteur Samo. N’eut été le sourire qui ne quitte presque jamais son visage, il en aurait fait fuir plus d’un. L’agro-business, voici ce qui le tente. Et quand il en parle il devient tout à fait sérieux : « Il faut que dans 5 ou maximum 10 ans, l’on ne soit plus à parler d’autosuffisance alimentaire dans notre pays ». Belle parole de conclusion pour un homme qui ne souhaite présenter à la face du monde que son « burkindi » ; comprenez son intégrité.
Hermann Nazé
Lefaso.net
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