QUI SONT LES ENNEMIS DU PEUPLE ?
Les ennemis du peuple, ce sont encore les
hommes politiques qui ne parcourent la
campagne que lorsqu'il y a des élections
C'est en sa qualité de Premier ministre du Conseil du salut du
peuple (CSP) que, le 26 mars 1983, Sankara prononce ce discours
lors d'un meeting à Ouagadougou. Le CSP dirigé par
Jean-Baptiste Ouédraogo avait vu le Jour à la suite du coup
d'État militaire du 7 novembre. Le texte ci-après est tiré de
l' hebdomadaire burkinabé Carrefour africain du 1er avril 1983.
Lorsque le peuple se met debout, l'impérialisme tremble
...L'impérialisme est un mauvais élève...
...Ouagadougou sera la bolibana de l'impérialisme...
...Si vous avez volé, tremblez ! ...
Sur les relations internationales du CSP
...Celui qui aime son peuple aime les autres peuples...
...On nous traite de communistes ...
Je vous remercie d'avoir bien voulu vous rassembler ici, sur
cette place du 3 janvier. Je vous salue d'avoir accepté de
répondre à l'appel du Conseil du salut du peuple : vous
démontrez ainsi que le peuple de Haute-Volta est un peuple
majeur.
Lorsque le peuple se met debout, l'impérialisme tremble.L'impérialisme qui nous regarde est inquiet : il tremble.
L'impérialisme se demande comment il pourra rompre le lien
qui existe entre le CSP et le peuple. L'impérialisme tremble.
Il tremble parce qu'il a peur, il tremble parce qu'ici à
Ouagadougou même, nous allons l'enterrer.
Je vous salue également d'être venu démontrer que tous nosdétracteurs qui sont à l'intérieur comme à l'extérieur
ont tort. Ils se sont trompés sur notre compte. Ils ont cru
que par leurs manoeuvres d'intoxication et d'intimidation,
ils pourraient arrêter la marche du CSP vers le peuple. Vous
êtes venus, vous avez démontré le contraire. L'impérialisme
tremble et il tremblera encore. Peuple de Haute-Volta, ici
représenté par les habitants de la ville de Ouagadougou,
merci. Je vous remercie parce que vous nous donnez
l'occasion
de vous donner une information saine, une information
qui vient de la base.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de vous dire exactement
ce que veulent nos ennemis, ce que veut le CSP et ce à quoi
le peuple a droit. Le peuple aime la liberté, le peuple aime
la démocratie. Par conséquent, le peuple s'attaquera à tous
les ennemis de la liberté et de la démocratie.
Mais qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuplesont à l'intérieur comme à l'extérieur. Ils tremblent
actuellement, mais il faut que vous les démasquiez. Il faut
que vous les combattiez jusque dans leurs trous. Les ennemis
du peuple à l'intérieur, ce sont tous ceux qui se sont
enrichis de manière illicite, profitant de leur situation
sociale, profitant de leur situation bureaucratique. Ainsi
donc, par des manoeuvres, par la magouille, par les faux
documents, ils se retrouvent actionnaires dans les sociétés,
ils se retrouvent en train de financer n'importe quelle
entreprise ; ils se retrouvent en train de solliciter
l'agrément pour telle ou telle entreprise. Ils prétendent
servir la Haute-Volta. Ce sont des ennemis du peuple. Il
faut les démasquer, il faut les combattre. Nous les
combattrons avec vous.
Qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuple,c'est encore cette fraction de la bourgeoisie qui s'enrichit
malhonnêtement par la fraude, par la corruption, par le
pourrissement des agents de l'État, pour arriver à introduire
en Haute-Volta toutes sortes de produits dont les prix sont
multipliés par dix. Ce sont les ennemis du peuple. Cette
fraction de la bourgeoisie, il faut la combattre et nous
la combattrons.
Qui sont les ennemis du peuple ? Les ennemis du peuple,ce sont encore les hommes politiques qui ne parcourent
la campagne que lorsqu'il y a des élections. Ce sont encore
ces hommes politiques qui sont convaincus qu'eux seuls,
peuvent faire marcher la Haute-Volta. Or nous, CSP, nous
sommes convaincus que les sept millions de Voltaïques
représentent sept millions d'hommes politiques capables
de conduire ce pays. Voilà les ennemis du peuple ; il faut
les démasquer et les combattre, et nous les combattrons avec
vous.
Les ennemis du peuple, ce sont également ces forces del'obscurité, ces forces qui, sous des couverts spirituels,
sous des couverts coutumiers, au lieu de servir réellement les
intérêts moraux du peuple, au lieu de servir réellement les
intérêts sociaux du peuple, sont en train de l'exploiter. Il
faut les combattre, et nous les combattrons.
Je voudrais vous poser une question : est-ce que vous aimez
ces ennemis du peuple, oui ou non ? [Cris de « Non ! »]
Est-ce que vous les aimez ? [Cris de « Non ! »]
Alors, il faut les combattre.
À l'intérieur du pays, est-ce que vous les combattrez ? [Crisde « Oui ! »] En avant pour le combat !
Les ennemis du peuple sont également hors de nos frontières.Ils s'appuient sur des apatrides qui sont ici, parmi nous, à
tous les échelons de la société : chez les civils comme chez
l
es militaires ; chez les hommes comme chez les femmes ; chez
les jeunes comme chez les vieux ; en ville comme à la campagne.
Ils sont là, les ennemis du peuple. Ils sont là, les ennemis
extérieurs. C'est le néo-colonialisme, c'est l'impérialisme.
S'appuyant donc sur ces apatrides, sur ceux qui ont renié lapatrie, ceux qui ont renié la Haute-Volta, en fait ceux qui
ont renié le peuple de Haute-Volta, l'ennemi extérieur
développe une série d'attaques. Des attaques en deux phases :
la phase non violente et la phase violente.
Nous sommes actuellement dans la phase non violente.Et l'ennemi extérieur, c'est-à-dire l'impérialisme,
c'est-à-dire le néo-colonialisme, tente de semer la confusion
au sein du peuple voltaïque. Ainsi donc, à travers leurs
journaux, leurs radios, leurs télévisions, ils font croire
que la Haute-Volta est à feu et à sang.
"...L'impérialisme est un mauvais élève..."
Or, vous êtes là, peuple de Haute-Volta, et votre présence
démontre que l'impérialisme a tort, et que ses mensonges
ne passeront pas. Vous êtes présents, vous êtes debout et
c'est lui qui tremble aujourd'hui.
Un journaliste étranger, dans un pays lointain, assis dansson bureau climatisé, dans son fauteuil roulant, a osé dire
qu'actuellement, le CSP connaît un échec dans ses tournées
d'information. Est-ce un échec ? Vous êtes là, répondez-moi !
[Cris de « Non ! »]
Est-ce que c'est un échec ? [Cris de « Non »]
Je souhaiterais que l'impérialisme soit là, qu'il vousentende dire non. Répétez : est-ce que c'est un échec ?
[Cris de « Non ! »]
Voyez-vous, l'impérialisme a tort. Mais l'impérialismeest un mauvais élève. Quand il est battu, quand il est
renvoyé de la classe, il revient encore. C'est un mauvais
élève. Il n'a jamais appris la leçon de son échec, il n'a
jamais tiré la leçon de son échec. Il est là-bas en Afrique
du Sud en train d'égorger les Africains, simplement parce
que ces Africains pensent à la liberté comme vous aujourd'hui.
L'impérialisme est là-bas au Moyen-Orient en train d'écraser les
peuples arabes : c'est le sionisme. L'impérialisme est partout.
Et à travers sa culture qu'il répand, à travers ses fausses
informations, il nous amène à penser comme lui, il nous amène
à nous soumettre à lui, à le suivre dans toutes ses manoeuvres.
De grâce, il faut que nous barrions la route à cet impérialisme.
"...Ouagadougou sera la bolibana de l'impérialisme..."
Comme je vous l'ai déjà dit, il passera à une phase
violente. Cet impérialisme, c'est lui qui a organisé des
débarquements dans certains pays que nous connaissons.
Cet impérialisme, c'est encore lui qui a armé ceux qui en
Afrique du Sud tuent nos frères. Cet impérialisme, c'est
encore lui qui a assassiné les Lumumba, Cabral,
Kwamé Nkrumah.
Mais je vous dis et je vous promets que, parce que j'aiconfiance en vous et que vous avez confiance dans le CSP,
parce que nous formons le peuple, quand l'impérialisme
viendra ici, nous l'enterrerons. Nous enterrerons
l'impérialisme ici. Ouagadougou sera la bolibana de
l'impérialisme, c'est-à-dire la fin de sa route.
L'impérialisme a essayé par des méthodes qui sont
très raffinées, de faire en sorte qu'au sein même du CSP,
il y ait la division. Il a fait en sorte qu'au sein même
du peuple voltaïque, il y ait l'inquiétude et la psychose.
Mais nous n'avons pas peur.
Pour la première fois, il se passe en Haute-Volta quelquechose de fondamental, quelque chose de tout à fait nouveau.
Le peuple n'a jamais eu le pouvoir d'instaurer ici une
démocratie politique. L'armée a toujours eu la possibilité
de prendre le pouvoir, mais elle n'a jamais voulu la
démocratie. Pour la première fois, nous voyons l'armée
qui veut le pouvoir, qui veut la démocratie et qui veut
se lier réellement au peuple. Pour la première fois aussi,
nous voyons le peuple qui vient massivement pour tendre la
main à l'armée. C'est pourquoi nous considérons que
cette armée qui est en train de prendre les destinées de
la Haute-Volta, c'est l'armée du peuple. C'est pourquoi
je salue aussi ces pancartes qui parlent de l'armée du
peuple.
"...Si vous avez volé, tremblez ! ..."
Nos ennemis de l'intérieur comme ceux de l'extérieur
s'appuient sur un certain nombre d'éléments pour nous nuire.
J'en citerai quelques-uns et je vous laisserai le soin de
compléter la liste. Ils essaient de faire croire que le CSP
va arrêter la marche normale de l'appareil de l'État, parce
que le CSP a pris des décisions contre des cadres civils. Si
nous prenons ces décisions c'est simplement parce que nous
estimons qu'à cette phase de notre lutte, il y a des hommes
qui ne peuvent pas suivre notre rythme. Il y a des
fonctionnaires qui ne viennent au bureau qu'à 9 heures et
qui ressortent à 10 heures 30 pour aller dans leurs vergers
et surveiller leurs villas. Est-ce que c'est normal ? Quand
nous voulons chasser ce genre de fonctionnaires, nos ennemis
disent que le CSP veut bloquer l'appareil de l'État.
Mais qui
a peur de qui ?
Nous, nous sommes avec le peuple. Eux, ils sont contrele peuple. Alors nous prendrons des décisions qui seront
contre les ennemis du peuple, parce que ces décisions iront
en faveur du peuple, le peuple militant de Haute-Volta.
Est-ce que vous êtes d'accord que nous maintenions dans
notre administration des fonctionnaires pourris ?
[Cris de « Non ! »]
Alors il faut les chasser. Nous les chasserons.
Est-ce que vous êtes d'accord que nous maintenionsdans notre armée des militaires pourris ?
[Cris de « Non ! »]
Alors, il faut les chasser. Nous les chasserons.
Cela va nous coûter la vie peut-être, mais nous sommeslà pour prendre les risques. Nous sommes là pour oser et
vous êtes là pour continuer la lutte coûte que coûte.
Nos ennemis disent que le CSP se prépare à nationaliser,que le CSP se prépare à confisquer leurs biens. Qui a peur
de qui ?
Lorsque vous faites un tour à Ouagadougou et que vous faitesle compte de toutes les villas qu'il y a, vous verrez que
ces
villas n'appartiennent qu'à une minorité. Combien d'entre
vous, affectés à Ouagadougou à partir des coins les plus
reculés de Haute-Volta, ont dû tourner chaque nuit parce
qu'on les avait chassés de la villa qu'ils avaient louée ?
Et chaque jour le propriétaire qui fait monter un peu plus
les prix. Pour ceux qui ont acquis normalement leurs maisons,
il n'y a pas de problèmes, il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Par contre, ceux qui ont acquis leurs terrains, leurs maisons
grâce à la magouille, nous leur disons : commencez à trembler.
Si vous avez volé, tremblez ! Parce que nous allons vous
poursuivre. Non seulement le CSP va vous poursuivre, mais le
peuple se chargera de vous. Oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Citoyens honnêtes, même si vous avez mille villas, n'ayezcrainte ! Par contre, citoyens malhonnêtes, même si vous
n'avez qu'un demi-carré en zone non lotie,
« entrée coucher », commencez à trembler, le CSP arrive !
Nous n'avons pas commencé pour nous arrêter en si bon
chemin. Nous ne sommes pas là pour collaborer, nous ne
sommes pas là pour trahir le peuple.
On nous dit que nous voulons nationaliser. Le CSP necomprend pas et ne comprendra jamais, comme vous également
vous ne comprendrez jamais, que l'on vienne s'installer
en Haute-Volta, qu'on crée en Haute-Volta une entreprise,
que l'on réussisse à obtenir des faveurs exonérations de
taxes diverses sous prétexte qu'on veut créer des emplois,
qu'on veut contribuer au développement économique et puis,
qu'après un certain nombre d'années d'exploitation éhontée,
on déclare : compression de personnel. À quelle condition
vous avait-on donné ces faveurs ? À la condition que vous
créiez des emplois pour les Voltaïques. Aujourd'hui que
vous avez pressé le citron, vous voulez le rejeter. Non !
C'est à cela que nous disons non !
Nos ennemis disent que le CSP a proclamé la libertéd'expression et de presse mais que le CSP commence à
mettre un frein à cette liberté. Le camarade Jean-Baptiste
Lingani l'a dit tout à l'heure et le camarade Jean-Baptiste
Ouédraogo le dira mieux que moi tout à l'heure. Nous ne
voulons pas meure fin à la liberté. Seulement nous disons
que la liberté de critiquer déclenche la liberté également
de protester. Et la liberté pour les hommes sincères ne
doit pas être la liberté pour les hommes malhonnêtes.
Ceux qui utilisent la liberté que le CSP a créée pour s'attaquerau CSP, pour en fait s'attaquer au peuple voltaïque, à ceux-là
nous allons retirer la liberté. Nous leur retirons la liberté
de nuire et nous leur donnons la liberté de servir le peuple.
Nous ne pouvons pas donner la liberté de mentir, d'intoxiquer
collectivement les consciences voltaïques. Ce serait travailler
contre les masses populaires de Haute-Volta.
Sur les relations internationales du CSP
On dit également du CSP que certains de ses éléments, comme
le capitaine Thomas Sankara, sont allés en Libye et en Corée
(du Nord) et que cela est dangereux pour la Haute-Volta.
Peuple de Haute-Volta, une question : la Libye ne nous a
jamais rien fait ; la Corée n'a jamais exploité la
Haute-Volta ; la Libye n'a jamais attaqué la Haute-Volta.
Pourtant nous connaissons des pays qui ont attaqué la
Haute-Volta, qui ont mis nos parents en prison. Nos
grands-parents sont morts sur des champs de bataille pour
ces pays. Nous coopérons avec eux et l'on ne se plaint pas.
Sangoulé Lamizana est parti en Libye. Saye Zerbo a été enLibye et en Corée. Pourquoi ne s'est-on pas plaint ? Il y a
de la malhonnêteté quelque part. Hier, on a préparé le voyage
de Saye Zerbo chez Khadafi avec l'avion de Khadafi et on en a
fait une publicité. Aujourd'hui que nous partons en Libye,
on se plaint.
Mais nous sommes partis en Libye de manière responsable etintelligente ! Nous sommes partis en Libye après que le
colonel Khadafi nous eut envoyés par trois fois des
émissaires. Nous avons dit aux dirigeants libyens que nous
n'avons rien contre la Libye, mais que nous avons nos
positions. Sur le plan idéologique, nous ne sommes pas
vierges. Nous sommes prêts à collaborer avec la Libye,
mais nous sommes prêts à lui dire aussi ce que nous lui
reprochons, de manière responsable. C'est après trois
démarches que nous avons décidé d'y aller, et nous avons
posé des conditions concrètes, conformes aux intérêts du
peuple voltaïque.
Lorsque le ciment va venir de Tripoli et que nous envendrons à bon prix, est-ce que le peuple sera content,
oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Pourquoi voudrait-on le ciment de Khadafi et ne voudrait-onpas que nous allions négocier avec Khadafi ? Lorsque nous
allons négocier avec certains pays deux millions, trois
millions de francs CFA', on en parle à la radio.
Avec Khadafi, nous avons négocié 3,5 milliards
[de francs CFA]. Et alors ? Le peuple est-il content,
oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Le peuple aime la coopération entre les États qui respectentleurs peuples. Le peuple de Haute-Volta ne veut pas
qu'on lui indique sa voie. Nous disons non à la
domestication de la diplomatie voltaïque !
Nous disons non au despotisme de la diplomatie voltaïque !
Nous sommes libres d'aller où nous voulons.
Et je vais vous dire une chose, un secret. Ne le répétez pasaux impérialistes. Ceux qui nous reprochent d'avoir été en
Libye ont pris les dollars de Khadafi pour développer leurs
pays. Se croient-ils plus malins que nous ? Ils vont traiter
avec Khadafi. Pourquoi ? Qui est plus malin que qui ?
Nous irons partout où se trouve l'intérêt des massesvoltaïques. Nous avons vu des réalisations sociales en Libye :
des hôpitaux, des écoles, des maisons et tout cela,
accessible gratuitement. Comment la Libye a-t-elle pu
réaliser ces investissements sociaux ? Grâce au pétrole.
Ce pétrole existait sous l'ancien régime du roi Idriss,
mais ce pétrole était exploité par les impérialistes et
au profit du roi. Le peuple ne bénéficiait absolument de
rien. Aujourd'hui, les Libyens ont des maisons gratuitement,
des routes bitumées. Si demain, nous pouvions transformer la
Haute-Volta comme Khadafi a transformé la Libye, seriez-vous
contents, oui ou non ? [Cris de « Oui ! »]
Donc, lorsque dans nos rapports avec les autres États, nousprenons ce qu'il y a de bon chez eux, nous ne faisons
qu'appliquer une politique d'indépendance diplomatique,
appliquer une règle du CSP : travailler pour le peuple.
Il n'y a pas de honte à se mettre à genoux lorsqu'il
s'agit des intérêts du peuple.
Nous sommes en train de vous parler et nous savons quedans cette foule, il y a des gens qui voudraient bien nous fusiller actuellement. Ce sont des risques que nous prenons, convaincus que c'est pour l'intérêt du peuple. Nous leur disons : tirez ! Lorsque vous allez tirer, vos balles feront demi-tour et vous atteindront. C'est ce qui s'appelle la victoire du peuple sur les ennemis du peuple. Aujourd'hui nous parlons avec la force du peuple et non avec notre propre force.
"...Celui qui aime son peuple aime les autres peuples..."
Les ennemis du CSP disent que certaines fractions du CSP
sont favorables à tels pays, à tels camps, au camp
pro-occidental, etc... Nous, nous disons que nous ne sommes
contre aucun camp, nous sommes pour tous les camps. Nous
l'avons répété à New Delhi, au sommet du Mouvement des pays
non alignés : nous sommes pour tous les camps.
Nous disons également que celui qui aime son peuple aimeles autres peuples. Nous aimons le peuple voltaïque et nous
aimons le peuple du Nicaragua, d'Algérie, de Libye,
du Ghana, du Mali, tous les autres peuples.
Ceux qui n'aiment pas leur peuple n'aiment pas le peuplevoltaïque. Ceux qui sont inquiets actuellement à cause des
transformations qui se font en Haute-Volta, ceux-là n'aiment
pas leur peuple. Ils s'imposent par la dictature et par des
manoeuvres policières contre leur peuple. Nous ne sommes pas
de ceux-là.
On nous dit que le CSP a une certaine admiration pour lecapitaine Jerry Rawlings. Rawlings est un homme !
Tout homme doit avoir des amis et des ennemis. Si Rawlings a
des admirateurs en Haute-Volta, à qui la faute ? C'est
la faute à l'impérialisme. C'est parce qu'on a créé au Ghana
une situation telle que les nouvelles autorités étaient
obligées de lutter pour les intérêts du peuple ghanéen.
Lorsque le Ghana était prospère, nous, Voltaïques, nous
en profitions bel et bien ! Aujourd'hui que le Ghana se
trouve dans des difficultés, pourquoi voudrait-on que nous
oubliions le Ghana ?
Non, nous sommes sincères. Le peuple garde ses attachements.P
eut-être des hommes peuvent se trahir, mais les peuples ne
se
trahissent pas. Le peuple ghanéen a besoin du peuple
voltaïque comme le peuple voltaïque a besoin du peuple
ghanéen.
Lorsque le capitaine Rawlings a fermé ses frontières',on
a protesté. Vous n'aimez pas Rawlings, il ferme ses
frontières pour rester chez lui et vous protestez ?
Le Ghana ne peut rien nous imposer. Nous non plus, nous nepouvons rien imposer au Ghana. Rawlings ne peut pas nous
donner des leçons. Mais nous non plus, nous ne pouvons pas
donner des leçons à Rawlings. Cependant lorsque Rawlings dit :
« No way for kalabule I », c'est-à-dire halte à la
magouille, il dit cela pour l'intérêt du peuple ghanéen.
Mais c'est en fait pour l'intérêt de tous les peuples,
parce que le peuple voltaïque est aussi contre la magouille,
Les ennemis du CSP disent aussi que nous sommesdes « rouges », des communistes. Cela nous fait plaisir !
Parce que cela prouve que nos ennemis sont en désarroi.
Ils sont perdus. Ils ne savent plus ce qu'il faut faire,
ce qu'il faut dire. Nous n'avons rien fait de communiste
ici, nous avons simplement dit : assainissement, justice
sociale, liberté, démocratie. Lorsque nous avons pris la
décision de supprimer le décret du CMRPN [Comité militaire
de redressement pour le progrès national], qui défendait
l'ouverture des bars à certaines heures, nous avons entendu
des gens du peuple dire : Ces gens du CSP, qu'ils soient
des rouges ou des verts, des communistes ou non, nous, nous
avons nos intérêts et nous préférons cela. C'est ce qui
s'appelle être près des masses populaires. Ce ne sont pas
les étiquettes qui comptent.
"...On nous traite de communistes ..."
On nous traite de communistes pour effrayer le peuple.
On nous taxe de communistes et on dit au peuple que le
communisme est mauvais. Nous n'avons pas l'intention de
vous dire que le communisme est bien, non plus de vous dire
le contraire. Nous avons l'intention de vous dire seulement
que nous poserons des actes avec vous et pour vous. Peu
importe l'étiquette qui sera collée sur ces actes.
Les ennemis du peuple disent également que nous nousattaquons aux étrangers. Non. Nous aimons tous les
étrangers : ceux qui sont ici ou qui y viendront. Nous
les aimons parce que nous supposons qu'ils aiment le peuple
voltaïque. Nous ne considérons pas qu'ils sont des étrangers
qui veulent nous exploiter.
Le CSP entend créer avec vous les conditions de mobilisation,
de travail. Nous voulons que le peuple s'organise pour le
travail, pour le combat qu'on va mener. Par exemple, nous
savons que dans certaines régions de Haute-Volta comme à
Orodara, il y a des cultures de fruits et de légumes qui
sont très réussies. Mais nous savons aussi que dans ces
régions, les fruits et les légumes pourrissent par manque
de moyens d'évacuation. Alors, nous disons que le peuple
mobilisé à Orodara construira des pistes d'atterrissage et
des avions se poseront là-bas. Les mangues viendront à Ouaga,
iront à Dori et ce sera bon pour le peuple de Haute-Volta.
Il s'agit de ce genre de travail. Nous voulons que chaquejour maintenant car nous allions commencer les grands
chantiers, vous sortiez massivement pour construire. Nous
allons construire un monument et un théâtre populaire à
Ouagadougou. Nous construirons les mêmes choses dans tous
les départements et cela se fera avec la jeunesse. Vous
allez construire pour démontrer que vous êtes capables de
transformer votre existence et de transformer vos conditions
réelles de vie. Vous n'avez pas besoin qu'on aille chercher
des bailleurs de fonds étrangers, vous avez seulement besoin
qu'on donne la liberté et le droit au peuple. Cela se fera.
Le CSP entend également mettre fin à certaines pratiques.Lorsque vous allez à l'hôpital pour une hémorragie ou une
fracture, même si vous êtes sur le point de tomber en
syncope, on préfère vous laisser sans soins et s'occuper
du rhume d'un président, d'un Premier ministre ou d'un
ministre, simplement parce que vous êtes homme du peuple,
ouvrier. Il faut dénoncer tout cela chaque jour. Nous y
mettrons fin. Ayez confiance. Nous allons mettre fin à la
spéculation, au détournement, à l'enrichissement illicite.
Et c'est pourquoi nous internons et nous internerons tous
ceux qui vont voler l'argent du peuple.
Nous disons au peuple d'être prêt à se battre, d'être prêt
à prendre les armes, à résister chaque fois qu'il sera
nécessaire. N'ayez crainte, il ne se passera rien. L'ennemi
sait que le peuple voltaïque est désormais mûr. C'est
pourquoi lorsqu'on nous dit que deux ans c'est peu pour
le retour à une vie constitutionnelle normale, nous disons
que c'est bien suffisant. Parce que lorsque vous donnez la
parole en toute liberté et en toute démocratie au peuple,
en 30 minutes, le peuple vous dira ce qu'il veut. Donc nous
n'avons pas besoin de deux ans.
Le CSP vous remercie parce que vous êtes mobilisés. Il a euraison de vous donner sa confiance, il a eu raison de
s'engager à vos côtés pour le combat contre les ennemis
du peuple : l'impérialisme.
C'est pourquoi nous devons crier ensemble :
À bas l'impérialisme,
À bas l'impérialisme,
À bas l'impérialisme !
À bas les ennemis du peuple !
À bas les détourneurs des fonds publics !
À bas les « faux-types » en Haute-Volta !Fini le « faux-typisme » !
À bas les hiboux au regard gluant !
À bas les caméléons équilibristes !
À bas les renards terrorisés !
À bas les lépreux qui ne peuvent que renverser lescalebasses !
À bas ceux qui se cachent derrière les diplômes du peuple,et qui à cause de leurs diplômes se permettent de parler
au nom du peuple, mais sont incapables de servir au nom du
peuple !
À bas ceux qui sont contre les liens entre l'armée et lepeuple !
À bas ceux qui sont contre les liens entre le peuple etl'armée !
À bas ceux qui se cachent sous des habits divers blancs ounoirs contre le peuple !
L'impérialisme sera enterré en Haute-Volta ! Ses valets serontenterrés en Haute-Volta !
Vive la Haute-Volta !
Vive la démocratie !
Vive la liberté !
Je vous remercie et à très bientôt !